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OFFENBACH, Fantasio – Paris (Opéra-Comique)

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Spectacle
15 décembre 2023
Joli sourire triste

Note ForumOpera.com

4

Infos sur l’œuvre

Opéra-comique en trois actes créé salle Favart le 18 janvier 1872

Musique de Jacques Offenbach

Livret de Paul de Musset d’après la pièce d’Alfred de Musset

 

Version de Paris reconstituée par Jean-Christophe Keck

Dialogues adaptés par Thomas Jolly et Katja Krüger

Détails

Gaëlle Arquez, Fantasio

Jodie Devos, Elsbeth

Franck Leguérinel, le roi de Bavière

Jean-Sébastien Bou, le prince de Mantoue

François Rougier, Marinoni, son aide de camp

Anna Reinhold, Flamel

Thomas Dolié, Sparck

Mathieu Justine, Facio

Yoann Le Lan, Max

Virgile Frannais, Hartmann

Bruno Bayeux, Rutten, le tailleur, le garde suisse

 

Direction musicale Laurent Campellone

Orchestre de chambre de Paris

Mise en scène Thomas Jolly  

Reprise et dramaturgie Katja Krüger

Chœur Ensemble Aedes  (chef de chœur Mathieu Romano)

Décors Thibaut Fack

Lumières Antoine Travert et Philippe Berthomé

 

Dans une Bavière en guerre, un étudiant criblé de dettes, aussi désabusé et prompt à lever le coude que ses camarades, reprend d’un coup de tête la marotte du bouffon de la cour. Alors que le roi entend acheter la paix au prix d’un mariage politique qui rebute la princesse Elsbeth, Fantasio ridiculise le prétendant, bouscule la demoiselle et déjoue le bellicisme ambiant. Absout, il obtiendra la paix, des titres et l’affection d’Elsbeth.

Christophe Rizoud nous a tout dit des raisons de l’insuccès de Fantasio, quatrième essai manqué d’Offenbach à l’Opéra-Comique. Depuis les premiers extraits alléchants révélés par Marc Minkowski avec la complicité du musicologue Jean-Christophe Keck et d’Anne Sofie von Otter, l’œuvre a été enregistrée (Opera Rara 2014) puis a retrouvé son public en concert (Montpellier 2015), mais aussi sur scène à Paris et Genève (2017), Montpellier et Rouen (2018) ou encore Utrecht (2019).

L’Opéra-Comique avait prévu de redonner in loco la production à succès de Thomas Jolly délocalisée au Châtelet en 2017, mais la Covid-19 en a décidé autrement ; c’est donc après plusieurs années d’attente que Fantasio retrouve ses planches d’origine – enfin presque, Favart ayant brûlé en 1887.

Sous la houlette de Katja Krüger, cette reprise est des plus soignée. Dès la pantomime de l’ouverture, tous les mouvements sont parfaitement réglés, la direction d’acteur est fouillée, et l’œuvre file sans temps mort. La cité bavaroise est dépeinte dans un camaïeu de couleurs suie que viennent ici ou là réveiller quelques accents, surtout le jaune du costume de bouffon de Fantasio. Graphique et évocatrice, l’esthétique penche ici du côté du livre d’images et du théâtre d’ombre, là dans une atmosphère « ère industrielle » revue par Hollywood, et la princesse Elsbeth, pâle dans sa robe blanche, évoque certaines figures de Tim Burton.

Cette approche ne dessert nullement les bouffonneries, principalement autour du prince et de son aide de camp Marinoni. On n’a pas oublié que l’opéra-comique est pour moitié du théâtre, et les dialogues parlés, supérieurs au tout-venant de Favart, sont tout aussi plaisants que les morceaux. L’acteur Bruno Bayeux s’y taille un joli succès dans diverses incarnations pleines de caractère. L’animation générale est réjouissante (virevoltant air de fous de Sparck) et les effets chorégraphiés restent contenus, et bienvenus. On ne relève que quelques mouvements superflus (tournette-prison du III, jeu des suivantes pendant l’air d’Elsbeth).

La production souligne ce que l’œuvre d’Offenbach a de mélancolie, sourire triste qui peine à pleinement épouser l’esprit traditionnel de Favart. Certes, dans la forme tout y est, des couplets allègres ou doux-amers aux travestissements en passant par les rythmes de danse (valses et barcarolles omniprésentes) et la mélodie à succès répété très (trop ?) souvent. S’il cultive naturellement le demi-caractère du genre et sa palpitation sensible, le compositeur ne se départit pas d’une certaine distance désabusée, portée par le livret, là où Auber, Adam, Halévy (son maître) et Thomas veillaient à cultiver la franche bonne humeur et à contenter le bourgeois par de rassurantes conventions. Indécise, la rencontre d’Elsbeth et de Fantasio tient plus à la communion autour d’un même idéal d’amour et de liberté, et un appel pacifiste colore le finale. On peut comprendre le désarroi d’un public décontenancé par l’esprit de Musset combiné à la pudeur railleuse d’Offenbach ! Mais notre époque déniaisée se montre bien plus réceptive à Fantasio qu’à Mignon, et le public applaudit chaleureusement à la fin du spectacle.

L’interprétation musicale est idéale. Laurent Campellone retrouve un opéra dont il souligne les riches nuances, et l’Orchestre de chambre de Paris lui répond fidèlement pour restituer la subtilité et vivacité d’une partition très soignée. Gaëlle Arquez a du charisme à revendre dans un travesti très convaincant : Fantasio n’appelle pas d’exploit vocaux, mais une éloquence et une présence particulière. Son apparition dans le poétique air à la Lune charme immédiatement, et l’on comprend l’ascendant que Fantasio a sur son entourage. Reste que ce garçon cache trop bien ses fêlures, et suscite moins d’empathie qu’Elsbeth. La faute à Jodie Devos, sans doute, irrésistible interprète de ce répertoire. Timbre charmant, homogène du grave à l’aigu, vocalises et trilles parfaits, et cette fraîcheur sans mièvrerie qui convoque l’esprit de cette musique : la Belge est la reine de l’opéra-comique (écoutez ses Bijoux perdus !).

Même si on l’a entendu plus en voix dans Madame Favart, opéra-comique créé « hors les murs » par Offenbach finalement plus classique, François Rougier est irréprochable en Marinoni. Il forme un savoureux duo avec le prince de Jean-Sébastien Bou, qui se régale dans la fatuité. Bonne amie sentimentale, Anna Reinhold est une plaisante silhouette au côté de la princesse, dont le roi de père bénéficie de la gouaille inentamée de Franck Leguérinel. Les quatre comparses de Fantasio sont impeccables, et si le Sparck sonore de Thomas Dolié a plusieurs occasions de se mettre en valeur, on remarque aussi les aigus de Matthieu Justine dans les ensembles. Nuancé, homogène et intelligible, le chœur de l’Ensemble Aedes se montre aussi vif sur scène que les figurant·es.

Alors que Les Contes d’Hoffmann triomphent à nouveau à Bastille, gageons que ce Fantasio aura une aussi belle fortune. Une revanche méritée pour les opéras-comiques d’Offenbach.

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Opéra-comique en trois actes créé salle Favart le 18 janvier 1872

Musique de Jacques Offenbach

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Dialogues adaptés par Thomas Jolly et Katja Krüger

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Gaëlle Arquez, Fantasio

Jodie Devos, Elsbeth

Franck Leguérinel, le roi de Bavière

Jean-Sébastien Bou, le prince de Mantoue

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Anna Reinhold, Flamel

Thomas Dolié, Sparck

Mathieu Justine, Facio

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Mise en scène Thomas Jolly  

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Décors Thibaut Fack

Lumières Antoine Travert et Philippe Berthomé

 

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